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Face à la solitude du diagnostic

Le diagnostic

J’ai envie de vous parler aujourd’hui de la façon dont j’ai appris que le mal qui me rongeait avait un nom, qu’il était imprononçable et tenait en deux mots : spondylarthrite ankylosante. 

Cela faisait des mois que j’éprouvais des douleurs qui faisaient de mes nuits un enfer, et qui avait fini par faire également de mes journées un cauchemar. 

Quand je consultais mon généraliste, le discours était invariablement le même : mon travail de bureau, ma posture et mon absence d’enthousiasme pour le sport étaient la cause de mes douleurs. Il n’était pas du style à dispenser des ordonnances longues comme le bras, et philosophiquement, cela me convenait. 

Je n’ai pas réussi à lui faire comprendre, lors des consultations, que je sentais bien que le mal qui me rongeait n’était pas d’ordre musculaire, mais bien ailleurs. Jusqu’au jour où, à force de nuits blanches ou sacrément diminuées, il m’a orienté. A ce moment-là, je n’arrivais quasi plus à tenir debout et je regardais avec angoisse les escaliers qui me conduisaient à mon appartement situé au troisième étage sans ascenseur… J’avais la démarche d’un vieillard : hésitante et mal assurée, tellement le moindre faux pas avait la capacité de faire naître des douleurs déchirantes capables de m’immobiliser de longs jours. Pour autant, je tenais tellement à mon travail que je me faisais violence chaque jour pour que rien ne transparaisse au bureau. 

L’errance médicale

Lors de cette consultation, je crois que mon médecin a vu la détresse qui m’habitait. Peut-être ne savait-il plus quoi faire de moi. Toujours est-il qu’il m’a orienté vers un centre de rééducation fonctionnelle. Je ne savais même pas ce que c’était ni en quoi cela consistait. Mais j’ai pris rendez-vous à peine sorti du cabinet. 

Quand j’ai débarqué dans ce centre, je n’ai clairement pas compris ce que j’y faisais. Peut-être n’étais-je pas tombé le bon jour, n’empêche que tous les patients avaient des traumatismes lourds…

Celle qui m’a reçu était très douce et a entrepris de me faire parler pendant qu’elle me massait. Les questions étaient très fines : quand les douleurs ont-elles lieu ? Disparaissent-elles avec de l’exercice ? Sont-elles plus importantes la nuit que le jour ? Faut-il un moment de dérouillage le matin ?

Elle connaissait la spondylarthrite ankylosante, et maintenant que je sais ce que j’ai, je regarde cet échange d’un autre œil. Chaque question, et les réponses, validait le diagnostic. Elle ne m’en a rien dit, se bornant à me dire que ce que je lui indiquais lui évoquait quelque chose.  

Pour en être sûr, elle m’a demandé de procéder au dépistage du HLA B27. Dépistage non remboursé. Ce n’est pas ce qu’il coûte, mais bienvenue dans le monde des malades : c’est un marché, vous avez un portefeuille, et votre douleur vous obligera à payer. 

Je l’ai donc fait. Pressé de pouvoir enfin mettre un mot sur les maux. 

La tentation internet

Le résultat est arrivé par voie postale : POSITIF. 

Moui…. et ?

Je me suis rué sur internet. C’est là que, à force de recherche, le nom d’une maladie est revenue plus souvent que d’autres : spondylarthrite ankylosante

Au fur et à mesure de mes lectures, j’ai retrouvé tout ce que je vivais : la douleur, les réveils nocturnes et j’en passe. 

Naïvement (je suis très naïf…), j’ai cherché le traitement qui permettait de guérir.

J’enchaînais les pages internet, les blogs et les forums. Personne ne semblait en guérir. Et j’ai compris. Ma nouvelle copine allait rester. Elle s’installait dans ma vie et refaisait la décoration avec la ferme intention d’emménager durablement. 

Une fois cette information encaissée, au bout de plusieurs jours face à mon écran, je me suis inquiété de l’évolution possible de cette maladie. Je n’ai trouvé que des personnes qui vivaient le pire. 

Et c’est normal. 

Lorsque l’on est à bout, perclus de douleurs et sans solution, il est normal de vouloir en parler. C’est un réflexe légitime, normal, un réflexe que je qualifierais de survie, parce qu’il est lié à la recherche de solutions. Comme un journal télévisé ne parle que des retards de trains. Jamais de ceux qui sont à l’heure : eh bien pour les maladies, c’est pareil. On ne trouve que rarement les témoignages de ceux pour qui tout va bien. 

Pour moi qui cherchait des réponses, cela m’offrait une perspective terriblement funeste. Et j’étais seul face à mon écran, sans un accompagnement par un professionnel de santé. J’en ai donc déduis qu’il n’y avait pas d’alternative, et je ne trouvais pas de raison objective pour que mon destin diffère de ceux dont je lisais les galères. 

Ces lectures, à cet instant, m’ont fait baisser les bras. 

C’est mon rhumatologue qui m’a redonné le goût de la lutte. 15 ans plus tard, si la vie n’est pas toujours rose, je vis normalement : j’assume mon rôle de père, même si je suis perfectible et que j’ai quelques frustrations ; je suis très fier de ma carrière professionnelle dont j’estime modestement que j’en atteint un point culminant ; j’ai appris à vivre avec une maladie franchement pénible sans me sentir particulièrement empêché

Au bout de plusieurs années, j’ai voulu donner de mon temps par le biais d’une page Facebook. Avec une ligne éditoriale volontairement optimiste. Je relayais, encore aujourd’hui, des exploits, souvent sportifs, de personnes atteintes de spondylarthrite ankylosante. Ce choix de ligne était directement corrélé à mon vécu de mes recherches internet : je voulais qu’une personne dans mon cas n’ait pas pour seul horizon le fauteuil roulant, l’incapacité à travailler, ou les rendez-vous hospitaliers quotidiens. 

J’ai eu une seule fois un commentaire qui m’a interpellé, disant en substance que cette diffusion d’exploits sportifs (moi qui ait horreur du sport…) renvoyait une image d’impuissance. Il m’a réellement interpellé parce que mon objectif n’était évidemment pas de traiter de feignasse ceux qui en étaient incapables, puisque j’en fais partie, mais simplement de délivrer un message d’espoir. J’avais loupé cet objectif avec cette personne et j’en étais sincèrement malheureux. 

En conclusion

Internet offre une ouverture incroyable à la connaissance. Nous avons une chance inouïe d’avoir cet outil là, qui nous permet notamment d’entrer en relation avec des personnes avec qui nous partageons une galère de santé. Les couvertures presse dont j’ai bénéficié m’ont amené à rencontrer des personnes porteuses de spondylarthrite et de mesurer le besoin d’échanges. 

Face à un diagnostic, la tentation de trouver des réponses sur le net est normale et légitime. Mon expérience m’amène à penser que c’est une fausse solution : chaque patient est unique. Pas un ne verra sa pathologie évoluer comme un autre. Une prise en charge ne peut être que personnalisée et seul votre entourage médical est à même d’y répondre. Alors, internet, oui ! Mais attention à son utilisation qui ne remplace jamais une consultation !

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